AKIRA MIZUBAYASHI : BACH EN TEMPS DE GUERRE

Dans Suite inoubliable, amour, musique et histoire se mêlent avec délicatesse.

Bach, Elgar, Casals… La musique nous accompagne tout au long du dernier livre d’Akira Mizubayashi, ultime consolation contre la guerre, toile de fond des livres du Japonais qui enseigne le français à l’université de Tokyo. Pour lui, la puissance délicate de la musique est semblable au pouvoir des mots.

Dans Suite inoubliable (pré-sélection du Goncourt), l’auteur y décrit l’histoire d’amour entre un violoncelliste, Ken, et une luthière, Hortense, qui va être fracassée par la guerre de 1945 et l’enrôlement de Ken dans l’armée japonaise. C’est bien plus tard que la petite-fille d’Hortense découvrira cette idylle en trouvant une lettre cachée dans un précieux violoncelle, un Goffriller de 1712. Une lettre qui nous mènera à l’histoire tragique d’un artiste en pleine ascension. « Il s’assit sur le banc et il commença à jouer. Une musique grave, limpide, méditative, presque silencieuse s’éleva lentement, très lentement comme pour vous inviter au recueillement. »

N’avez-vous jamais ressenti cette vibration sur l’un de vos morceaux préférés ? Alors vous penserez à Ken Mizutani, héros de tragédie. Lorsque le père d’un autre sacrifié, Tetsu, se voit arracher son fils par l’armée, Mizubayashi signe quelques-unes de ses plus belles pages. S’adressant à des villageois venus le féliciter pour le papier de mobilisation de Tetsu, le père s’emporta de colère : « Réveillez-vous de ce cauchemar qui vous ensorcelle (…) Chaque vie est infiniment précieuse. La vôtre est aussi précieuse que celle du prince suprême. Pourquoi faut-il que mon fils doive mourir pour lui ? »