Le combat inégal entre l’innocence et la perversité vu avec une grande justesse.
Le livre de Vanessa Springora fut une déflagration en janvier 2020. Alors directrice des Éditions Julliard, elle dévoilait sa relation d’amante au début des années 80 avec l’écrivain intouchable Gabriel Matzneff, lui âgé de 49 ans, elle de 14, collégienne. Des agissements pédophiles, donc, couverts par l’omerta du cercle parisien des éditeurs, journalistes, mais aussi la tolérance de la société (y compris des parents de Springora) pour ce délit pénal.
Au printemps 2020, Le consentement saisit Sébastien Davis. Le metteur en scène pense immédiatement à Ludivine Sagnier, avec qui il dirige la section “acting” de l’École Kourtrajmé à Montfermeil (93). Celle-ci est d’autant plus touchée par ce projet, qu’elle a côtoyé très jeune, dans sa carrière au cinéma, des “prédateurs” libres de leurs actes. Le confinement retarde malgré tout la mise en oeuvre jusqu’en 2022.
Ludivine Sagnier a souvent incarné des rôles de femme-enfant dans les films à la fois légers et graves, de Christophe Honoré ou de François Ozon (on pense notamment à 8 femmes mis en scène par ce dernier), mais aussi de lolitas, à la fois délurées et naïves comme dans Swimming Pool du même réalisateur.
Dans ce seul en scène, tout en colère retenue, elle donne à voir les ravages d’un tel trauma sur la construction d’une adolescente. Mais aussi l’orchestration de l’emprise de “G’’ (Matzneff n’est jamais nommé), substitut pervers du père absent de “V’’. « Notre amour est interdit. Je le sais car il ne cesse de le répéter. Je ne peux donc en parler à personne. Mais pourquoi ? Pourquoi puisque je l’aime et qu’il m’aime aussi ? », dit la “consentante” en simple jogging et débardeur.
Sur une musique de batterie toute en tension de Dan Levy, l’ex-musicien de The Do, voilà un texte vibrant mais tout en sobriété, porté par une grande comédienne. Lorsque celle-ci lâche les premiers mots de sa reconstruction, on se dit alors que ces quatre-vingt minutes de riposte littéraire ont également une utilité pour inciter les victimes à libérer leur parole, premier pas de la résilience.
Le Mans – Les Quinconces
DANS L’AGENDA
Mercredi 4 et jeudi 5 octobre 2023
LE CONSENTEMENT (Vanessa Springora), Sébastien Davis. Avec Ludivine Sagnier, mercredi, 19h (représentation suivie d’une rencontre avec Vanessa Springora dans le cadre de Faites Lire !) et jeudi, 20h, 17 à 35 €.