LAZZI : PERDANTS MAGNIFIQUES !

Fabrice Melquiot signe une ode à l’amitié mélancolique et drôle.

Hommage anticipé, Lazzi commence avec Godard. « Une citation ancrée dans mes années lycéennes », souligne le metteur en scène Fabrice Melquiot.

Vincent (Garanger) et Philippe (Torreton) sont eux aussi, à leur façon, des fous de cinéma, des puristes comme on n’en fait plus. Leur vidéo-club a baissé le rideau, battu par Netflix. Alors, ces deux hommes sans femme (l’un veuf, l’autre divorcé, les deux en mal d’amour) rembobinent le fils de leur vie dans une maison perdue du Vercors à l’environnement bucolique. Leur lien est infaillible, fantaisiste, vachard mais aussi mélancolique et amer, eux qui croyaient que le cinéma pouvait changer la face du monde. Welles, Fellini, Carax, Kubrick, Jarmush, Jean Rouch…

Le septième art est omniprésent mais le personnage principal de Lazzi est l’amitié. Melquiot dit s’être inspiré de la complicité des deux comédiens déjà réunis sur une pièce précédente, J’ai pris mon père sur les épaules.

Comment continuer à rêver quand il n’y a plus d’horizon ? Restent la méditation, le jardinage, les vertes prairies mais surtout les souvenirs, revécus sur un ton alerte emprunté donc aux lazzi, les plaisanteries improvisées et burlesques de la Commedia dell’arte.

Les deux comédiens évoquent un paradis perdu

Les deux compères, paniqués par leur présent, évoquent un paradis perdu, des passions obsolètes comme ceux qui conservent précieusement leurs cassettes vidéo, en ne s’avouant pas qu’ils ne les réutiliseront jamais…

On rit beaucoup avec ces deux bêtes de scène, aux corps fatigués mais à l’esprit intact. Servis encore magistralement par les textes cinglants de Melquiot, toujours entre joie et gravité :

Moi je suis prêt.
Prêt à quoi ?
A devenir has been.
On l’a toujours été

Non, Torreton et Garanger ne sont pas hors d’usage. Ils sont ce passé pas si lointain qu’il nous faut reconstituer pour survivre aux écrans vides de notre époque.