Joutes verbales qui dépotent, du Balzac volcanique…
UN ROMAN CULTE Oscar Wilde confia que « le plus grand chagrin » de sa vie fut la mort de Lucien de Rubempré en 1830 dans l’épilogue de Splendeurs et misères des courtisanes. Un sentiment de compassion que chaque lecteur balzacien partage sans nul doute pour celui qui est aussi le héros des Illusions perdues. Lucien né Chardon à Angoulême, venu à Paris pour vendre ses talents de journaliste littéraire, verra ses ambitions fracassées par un monde sans pitié. Ce jeune homme dont le destin était écrit d’avance, frappé du sceau de ses origines sociales, c’est l’histoire universelle que la metteuse en scène Pauline Bayle restitue à merveille.
LA “BAYLE” PUISSANCE Experte des mythes littéraires – précédemment L’Iliade et L’Odyssée – Pauline Bayle sublime le grand roman de Balzac (mille pages mais dont beaucoup passent à la trappe) durant deux heures trente survoltées, intenses et… audacieuses ! D’une part, la directrice du Centre dramatique national de Montreuil (à seulement 35 ans !) dégenre sans déranger l’âme du texte et les “Balzacophiles”. Le rôle de Lucien est en effet joué par une femme. Elle comme les autres comédiens, habillés comme vous et moi, endossent les dix-huit personnages du livre sans qu’il soit question du genre incarné.
LA SEINE DE BOXE Qui dit combat, dit arène. Le dispositif de la scène se transforme. Devenue quadri-
frontale, elle fait des spectateurs des parties prenantes de ces claques verbales, où chaque réplique est une tentative de meurtre social, chaque regard baissé, une défaite. « La conscience mon cher, est un de ces bâtons que chacun prend pour battre son voisin, et dont il ne se sert jamais pour lui ! » Paris et ses lumières cruelles n’ont guère évolué depuis deux siècles. Vous avez aimé le film de Xavier Giannoli sorti en 2021 ? Vous allez adorer la pièce de Pauline Bayle, récompensée du Grand prix (meilleur spectacle théâtral) par le Syndicat de la critique. C’est aussi le coup de cœur de la directrice de la Scène nationale, Virginie Boccard !
Le Mans – Les Quinconces
DANS L’AGENDA
Mercredi 4 et jeudi 5 janvier 2023
ILLUSIONS PERDUES (d’après Balzac), Cie À Tire d’aile, Pauline Bayle, 19h mercredi et 20h jeudi, 9 à 24 €.