Interview. Kheireddine Lardjam : "résonance"

KHEIREDDINE LARDJAM : « RÉSONANCE »

En fin d’année 2024, le metteur en scène présente deux de ses nombreux spectacles.

Tenir jusqu’à l’aube est l’adaptation d’un témoignage poignant d’une mère célibataire. Comment ce roman de Carole Fives a résonné en vous ?
Ce sujet a pris de l’ampleur chez moi après les événements de juin 2023 quand les gamins ont manifesté un peu partout, suite à l’assassinat de Nahel. Comme beaucoup de ces mômes, il était éduqué par sa mère. En collaboration avec la MJC Ronceray, j’ai travaillé avec plusieurs mères célibataires. La culture est un moyen de sortir de leur rôle de maman. Leur première cause de déclassement social est la séparation de leur conjoint. Trop souvent, celui-ci ne demande pas la garde alternée.

Et quelle fut la genèse de L’exploitation à la cool ?
Le spectacle est né au Mans, lorsque je m’y suis installé, il y a trois ans. J’ai remarqué le grand nombre de livreurs, presque tous d’origine africaine. Ils louent à la journée des vélos électriques, d’autres des camions qu’il faut rembourser, en répondant à toujours plus de commandes. Mais la pièce n’est pas machiavélique. Le livreur, joué par le phénoménal Cédric Veschambre, se fait aussi livrer !

« Pour répondre au bruit du monde »

Vous posez aussi la question de l’addiction à notre système économique.
La société a une part de responsabilité dans la misère de ces jeunes-là, parfois des mineurs ou des sans-papiers. Or, ces métiers de la “Start-up Nation’’ grignotent le gros livre qu’est le droit du travail. Un spectacle ne peut rien faire face à Uber mais il peut ouvrir les yeux des usagers de ces plateformes. C’est à nous les artistes d’être la caisse de résonance de notre ville pour répondre au bruit du monde.

Comme un écho à vos origines, vous le fils d’une femme de ménage d’Oran, les invisibles sont omniprésents dans votre œuvre…
Étant ado, un atelier de théâtre m’a permis de comprendre que ma famille était pauvre au niveau matériel, mais que notre drame était avant tout la pauvreté des mots. Quand ma mère baissait la tête devant son patron, elle n’avait pas peur. Non ! Elle n’avait tout simplement pas les mots.